En Occident, à l’approche des fêtes, rien n’a réellement changé : les sapins sont installés dans les maisons, les rues sont inondées de décorations lumineuses, et les magasins se remplissent chaque fin de semaine. On pourrait presque oublier que sur la terre natale de celui dont on célèbre la naissance, un génocide est en cours.
À Bethléem, où Noël est célébré chaque année par des milliers de chrétiens palestiniens se réunissant autour de l’église de la Nativité, tout a changé. Ce mois de décembre, il n’y aura ni sapin place de la Mangeoire, ni feu d’artifice après la messe du 24 au soir, ni le traditionnel défilé de Noël. A la place, des rues presque vides et dans l’église luthérienne de Bethléem, une scène de la nativité dont l’image a largement été diffusée sur les réseaux sociaux.
Des milliers de Palestiniens ont répondu présents à l’appel des patriarches et chefs d’églises de Jérusalem demandant à renoncer à “toute activité festive inutile” et de privilégier la solidarité et le recueillement. Leurs voix, appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza, ont été jointes par le pape François qui, même depuis sa position de chef de l'Église catholique, constate son impuissance face au déferlement de violence d’Israël. On pense ici à Nahida Khalil Anton et sa fille Samar Kamar Anton qui ont été assassinées par un sniper israélien après s’être réfugiées dans l’église catholique de Sainte-Famille de Gaza. Mais aussi au bombardement de l'église Saint-Porphyre, plus vieille église en activité à Gaza, ayant causé 18 morts. Et à tous les autres. L’horreur de la campagne meurtrière de l’état hébreu à Gaza n’épargne pas la communauté chrétienne, au contraire elle la menace d’extinction. Cette violence ne se limite pas à Gaza mais prolifère aussi dans toute la Cisjordanie où les communautés chrétiennes palestiniennes sont régulièrement ciblées, avec une intensification de la violence coloniale depuis le 7 octobre.
"Cette violence n’est pas nouvelle. En 2002, durant la seconde intifada, l’armée israélienne avait pris d’assaut l’église de la nativité et mené un siège qui dura plus d’un mois, aboutissant à 8 morts et 26 déportés à Gaza. Ce siège d’un des plus hauts lieux saints de la chrétienté n’est pas sans rappeler plus récemment les sièges à répétition contre la mosquée Al Aqsa, causant 50 morts en avril 2022, mais aussi depuis le 7 octobre. Pour l’état sioniste, le sacré n’offre aucune forme de protection, bien au contraire. Le siège de l’église de la nativité a donné lieu des années plus tard à une pièce de théâtre The Siege par la troupe de théâtre palestinienne The Freedom Theatre basée à Jénine. Comme une sordide illustration de la continuité de la violence, trois des membres de la troupe ont été arrêtés par le Tsahal au début du mois de décembre.
la Palestine n’a pas le cœur festif cette année.
Si cette violence n’est pas nouvelle, elle est exceptionnelle : plus de 20 000 morts à Gaza depuis le 7 octobre. Plus de 20 000 vies perdues aux mains de l'état israélien et de sa campagne d’extermination de masse. Multipliez ce chiffre par le nombre de proches qu’avait chaque personne décédée, et vous comprendrez pourquoi malgré toute sa résilience et sa force, la Palestine n’a pas le cœur festif cette année.
Que reste-t-il à célébrer pour ceux qui vivent sur une terre où Nazareth et Bethléem sont aujourd’hui séparés par plus d’une dizaine de checkpoints ? Que reste-t-il à célébrer pour ceux qui nés sur cette terre sainte voient les leurs confisquées, leurs vies entravées, et leurs familles et amis tués au quotidien ? Que reste-t-il à célébrer pour ceux que les puissants de ce monde ont abandonné, quand ils ne sont pas directement complices dans leur extermination ?
Jésus de Nazareth serait aujourd’hui né au milieu des ruines, et toute tentative de célébration de sa naissance aurait été couverte par les cris et les pleurs des mères en détresse à la recherche de leurs propres enfants dans les décombres. Sans liberté de mouvement, sans liberté de parole, sans liberté de vivre, le message du Christ serait mort-né en 2023.
Alors, pendant qu’une grande partie de la planète célébrera la naissance de Jésus le 25 décembre, la ville où celui-ci est né est en deuil, et la Palestine attend désespérément que le monde retrouve à nouveau le sens de son message : justice, dignité, et liberté.
“Nous devons dé-romantiser Noël. En réalité, c’est l’histoire d’un bébé qui est né dans les circonstances les plus difficiles et dans l’empire romain sous occupation, qui a survécu au massacre d’enfants lui-même à sa naissance”, Munther Isaac révérend de l’Eglise luthérienne évangélique de Bethléem.
Yoann Idiri, collaborateur d’Arabia Vox
🖍 Noël en Palestine en une oeuvre
Mini playlist ♫
Moulouk el majous, Fairuz
🎼 Laylat al mouloud, Hiba Tawaji
🎼Ya Eid, Nancy Ajram
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Notre playlist Noël en entier 👇
Pour aller plus loin 🔍
“La Palestine, côté chrétienté”, documentaire sur Arte
“Les chrétiens de Terre sainte : une présence millénaire, des tensions religieuses”, émission sur France Culture
“Palestine : Le Noël des chrétiens de Gaza”, reportage France 24
“The story of Palestinian Christian”, un documentaire de Yasmine Perni
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Entre colonisation et arrestations de masse, la Cisjordanie vit sous tensions et menaces constantes par les colons israéliens. Une situation qui s’empire depuis le 7 octobre, à retrouver dans l’Oeil d’Arabia Vox
Pour les 40 ans de la marche pour l’égalité, nous vous proposons des ressources pour célébrer et vous instruire sur cet évènement.