«Representation matters». S’il y a bien un domaine où on pourrait appliquer cet adage en ce qui concerne les Arabes, c’est la mode, tant nous sommes invisibilisés dans cette industrie. Bien qu’aujourd’hui on peut enfin commencer à citer des noms comme celui de la magnétique Imaan Hammam, de l’incontournable Nora Attal ou encore s’émouvoir devant une Bella Hadid qui parle librement et sans détour de ses origines arabes, il est important de rappeler que cela n’a pas toujours été le cas . D’ailleurs, il fût un temps où seul le nom de Farida Khelfa, muse de Jean-Paul Gaultier, d’Azzedine Alaïa ou encore de Jean-Paul Goude dans les années 1980, nous venait en tête, tant elle était l’exception qui confirmait la règle de notre invisibilité. Trop souvent cantonnés aux clichés «de la beurette», «du dealeur», «de la Shéhérazade», comme toujours nos corps étaient empreints d’un imaginaire colonial et orientaliste tenace. Pourtant, notre style, notre mode sont aussi riches que notre histoire, nos pays et nos héritages. Caftan marocain, broderie palestinienne, Karakou algérien, fouta tunisienne, la liste de ce que nos cultures ont pu produire en termes de raffinement, de beauté pour la peau et pour les yeux est longue. D’ailleurs, il est important de rappeler que si nos visages n’ont pas toujours été appréciés, les créateurs du monde entier, à l’image d’un Yves Saint-Laurent au Maroc, ne se sont jamais gênés pour venir piocher ce qui leur convenait chez nous. Aujourd’hui à travers cette newsletter, nous souhaitons rappeler nos contributions à la grande histoire de la mode. Rappeler que nos créateurs, Elie Saab, Azzedine Alaïa, Zuhair Murad, Amina Muaddi et d’autres continuent d’habiller nos stars préférées. Nous souhaitons également mettre en lumière une nouvelle génération faite de créatifs qui s’approprient leur héritage, pensent inclusif, et pas seulement parce que c’est tendance, et se questionnent sur notre rapport au futur. C’est le cas de Camélia Barbachi, créatrice de la marque Chez Nous qui nous raconte la naissance de son projet. Yanis Ratbi revient nous combler d’une de ses nouvelles créations avec un panthéon de nos fashions icônes préférées.
Bonne lecture 💌
Un édito de Fatma Torkhani, fondatrice et rédactrice en cheffe d’Arabia Vox.
💭 Le mot de Camélia Barbachi
J’ai toujours été passionnée par la mode. Petite, je collectais mes dessins de silhouettes dans un porte-vues que j’appelais «mon book».
Je pense que ce goût des beaux vêtements m’a été transmis par ma mère, véritable icône dans les années 90. En plus d’avoir un dressing sans fin de pièces plus originales les unes que les autres, elle a toujours veillé à ce que je sois impeccablement habillée moi aussi, peu importe notre situation financière.
Elle a dû aussi hériter cette passion de sa mère. Ma grand-mère avant d’être appelée «hajja», d’avoir accompli son pèlerinage et de porter le foulard était, elle aussi, une fashion victime. Elle rit honteusement et soupire, «inchallah rabi yghfrli (que Dieu me pardonne), on ne savait pas à l’époque» quand elle m’évoque les jupes courtes et les talons qu’elle portait dans les années 1970, à son arrivée en France.
En grandissant, j’ai délaissé le rêve d’être créatrice de mode qui me semblait hors de portée. Pour compenser, j’enchaînais les virée shopping dans les enseignes de fast-fashion qui me permettraient de ressortir le sac rempli de vêtements malgré mon petit budget.
Puis, au fur et à mesure du temps, j’ai pris conscience de l’impact de cette industrie sur l’environnement mais surtout sur les femmes et les hommes des pays en voie de développement.
Lors du choix de mes études supérieures, j’ai décidé de m’orienter vers le Commerce International en gardant dans un coin de ma tête l’ambition de travailler dans le secteur de la mode. J’ai d’ailleurs travaillé pendant un an au siège d’ASICS pour la marque japonaise Onitsuka Tiger. Puis, au fur et à mesure du temps, j’ai pris conscience de l’impact de cette industrie sur l’environnement mais surtout sur les femmes et les hommes des pays en voie de développement. Comprendre que ces personnes étaient réduites parfois à l’esclavage, condamnées à des maladies irréversibles du fait des composants nocifs qu’elles manipulent pour que nos placards soient remplis de pièces qui se détérioreront après un seul lavage - ça m’a calmée. Pendant plusieurs années, j’ai même arrêté d’acheter des vêtements neufs. Lors de ma thèse de MBA, j’ai décidé d’étudier le sujet en profondeur. Ce travail de recherche a pris un an et m’a donné envie d’agir, à mon échelle. La crise du covid 19 tombe et le confinement m’a permis de faire le bilan. Les deux conclusions majeures que j’ai tirées sont les suivantes: (1) La mode éthique n’est pas suffisamment attractive. (2) Il ya vraiment pas d’arabes mis en en lumière dans l’industrie de la mode.
J’ai eu envie de valoriser mon héritage tunisien et de revendiquer la pluralité de l’Identité.
j’ai alors décidé de créer ma propre marque de mode éthique qui serait radicalement inclusive et inspirée par mes propres codes et références.
J’ai eu envie de valoriser mon héritage tunisien et de revendiquer la pluralité de l’Identité. C’est comme ça qu'est née CHEZ NOUS, il y a maintenant un an.
La carte blanche Yanis Ratbi
Pour aller plus loin 🔍
En savoir plus sur Chez Nous, la marque éthique et inclusive de Camélia Barbachi avec cet article.
Suivez toute l’actualité mode de vos créateurs et mannequins arabes préférés grâce à deux médias spécialisés : Vogue Arabia et Mille World
Vous aimez le vintage ? Amal Belabbes Chakor est la personne à suivre !
«Ali, Nazim, Nour, Shahed … les grands absents de la mode», à lire cet article du Monde qui tente de comprendre l’absence des mannequins arabes des podiums.
Si vous êtes de passage dans la capitale, on vous conseille vivement d’aller faire un petit tour du côté de la Fondation Azzedine Alaïa. Un régale pour les yeux.
👀 À venir sur Arabia Vox…
On nous donne rendez-vous avec la team du ciné-scred le vendredi 30 septembre pour une projection GRATUITE du film, «l’Oranais» dans le 19ème arrondissement. Inscrivez-vous vite. 🎥🍿