Africanité, renouer avec son continent
Ce dimanche 9 janvier démarre une compétition que beaucoup attendent avec impatience: la Coupe d’Afrique des nations de football. À suivre bien sûr sur Arabia Vox. Remportée durant la dernière édition par les Fennecs d’Algérie, la CAN va voir les différentes nations africaines s’affronter pour détenir le Graal, devenir les champions du continent. Rythmée par les joies, les victoires, les déceptions et l’amour inconditionnel que chacun peut porter à son équipe chouchoute, elle peut aussi être le théâtre de comportements et de commentaires racistes. En effet, malgré la présence de cette compétition et d’autres institutions politiques, économiques ou encore culturelles rassemblant les pays africains, il existe une cassure entre l’Afrique du Nord, que certains appellent blanche, et l’Afrique subsaharienne, que certains appellent noire. Loin d’être une évidence, l'appartenance des Maghrébins au continent est souvent sujet à débat, tant l’identité arabe des pays tels que le Maroc, l’Algérie, ou encore la Tunisie, a pris le dessus. Certains vous diront même que les Maghrébins se souviennent seulement de leur africanité tous les deux ans, lors de cette compétition footballistique. Dans cette nouvelle newsletter, on vous propose de revenir sur la spécificité d’être Maghrébin. Pas totalement Arabe, pour les Moyen-Orientaux, les Maghrébins sont perçus comme des ovnis pour les Africains. Pourtant l’empreinte des pays du Maghreb sur l’histoire du continent est indéniable. À commencer par son nom. Ifriqiya, le continent a été nommé ainsi par les Romains en référence soit à une divinité amazigh nommée Ifri, soit en référence à un peuple autochtone vivant près de Carthage, dans la Tunisie actuelle. C’est donc de sa partie nord que l’Afrique tire son nom. Et puis, comment ne pas parler du festival Panafricain de 1969 à Alger. Accueillant les plus grands noms du monde entier comme Nina Simone, il a donné à voir au monde entier l’unité africaine portée par l’espoir d’un meilleur avenir au lendemain des décolonisations. En ce début de CAN 2021, on vous propose de mettre des mots sur nos identités africaines et de les célébrer. Notre journaliste Rasha Baraka dans sa chronique vous partagera son impression personnelle sur les évènements marquants de la dernière CAN. Nous partageons également différentes initiatives qui renouent avec notre identité africaine, et pas seulement durant la CAN.
Bonne lecture💌
Un édito de Fatma Torkhani, fondatrice et rédactrice en cheffe d’Arabia Vox.
✍️ L’humeur de Racha Baraka
La CAN 2019, entre célébration et désolation .
Ce 9 janvier a lieu la 33ème édition de la Coupe d’Afrique des nations de football. Pour beaucoup, l’événement tant anticipé n’est pas qu’un sport mais un moment d’échanges, de cohésion, de rassemblement autour d’une équipe, voire d’une nation. L’occasion d’arborer les couleurs de son drapeau avec une fierté non dissimulée. Les légendes dorées et les symboles mis en exergue, s’inscrivent dans les pages d’un récit national s’apparentant au mythe. Un bon moment dirait-on, et pourtant…
Alors que les souvenirs de la CAN 2019 sont ravivés, les dissonances de ce discours se voulant unitaire, restent pour moi, aussi mémorables que ses exploits. À l’aube de cette nouvelle CAN, je vous ouvre les portes vers les passages quelque peu embrumés de ma mémoire: ce que j’en ai retenu, et ce qu'il en reste. Bien que les présentations soient tardives, me voilà : je suis Racha, française d’origine algérienne vivant actuellement en Angleterre. Trois pays qui ont marqué mon identité mais si vous me demandiez quelle équipe je soutiendrais dans le cas où elles viendraient à s’affronter, je vous répondrais… aucune. En toute honnêteté, les rares fois où j’ai suivi les championnats de foot, j’arrivais toujours avec un temps de retard au moment de la demi-finale.
Un peu comme un touriste égaré qui se serait retrouvé en plein milieu d’une compétition. Et pour les adeptes des clichés, force est de constater que le gène patriotique que l’on attribue allègrement aux Algériens a dû m’échapper puisque je ne soutiens pas toujours l’équipe du pays même si leur victoire m’avait tout de même enchantée.
Avant d’en venir à la consécration, déroulons un peu le fil du temps et retrouvons-nous en France, à la demi-finale de la CAN en 2019. Je revenais d’un séjour à Amsterdam, pour passer une semaine à Paris accompagnée de mon amie britannique qui venait découvrir la capitale. Trois jours passés et à l’occasion de quelques rencontres sociales, le sujet de la CAN était déjà sur toutes les lèvres des diasporas africaines. Le week-end de la demi-finale, s’est déroulé pendant un concert où mon amie et moi, nous étions rendues. L’animateur de la soirée, en tout bon hôte, nous partageait les pronostics des matchs entre deux prestations artistiques, tout en récoltant les réactions animées du public. Rappelez-vous lors de la demi-finale, deux pays d’Afrique du Nord (l’Algérie et la Tunisie) se mesuraient à deux pays d’Afrique de l’Ouest (le Sénégal et le Nigéria). Parmi les houlements de la foule se forment alors deux parties miroitant les constructions sociales qui scindent le continent en deux blocs distincts : l’Afrique du Nord (parfois réduite au Maghreb) et l’Afrique subsaharienne. Ces fractures sociales inhérentes à ces deux bords du continent, ne sont pas imaginées mais bien révélatrices des maux de nos sociétés. Pour ce qui est des ressortissants de l’Afrique du Nord, cette scission entretenue par une tradition longue et complexe de déracinement de l’identité autochtone africaine, mais aussi par le silence délictueux autour de la négrophobie propre à l’histoire de nos communautés.
Pendant la CAN, les tensions qui s’articulaient autour de ses problématiques étaient plus que exaltées. Les blessures ouvertes, était d’autant plus infectées par les provocations décomplexées des Nord-africains qui alléguaient le foot comme prétexte à leur racisme.
En somme, un spectacle désolant et un seul constat : on se doit de faire mieux. Alors oui, la victoire de l’Algérie était arrivée à un moment opportun : après des semaines de protestations dans les rues d’Alger, c’était comme un nouveau souffle d’espoir pour un peuple désillusionné par la répression du pouvoir en place. Mais pour moi la CAN était aussi une occasion ratée de se retrouver entre africains. Peut-être suis-je un peu trop pessimiste alors je conclurais cette partie de ma réminiscence par ce précepte : aimer son pays c’est œuvrer vers son progrès.
Parmi ce tri de souvenirs, un autre moment m’avait impacté. Après le concert, il se faisait tard et les transports se faisaient rares. Mon amie et moi attendions, ce qui semblait être des heures devant l’arrêt de bus pour rentrer. Un groupe de personnes âgées, dont une dame, s’approcha de nous pour nous demander des informations. Après cinq minutes de délai, cette même dame s’impatientait et me disait à moi franco-algérienne et à mon amie anglo-nigériane : «oh mais ce n’est pas possible ! C’est à cause de ces Algériens qui foutent le bordel partout dans ce pays. Qu’ils rentrent tous chez eux ces immigrés». L’ironie était à son comble. Alors que mon retour en Angleterre approchait, le climat anxiogène en France était palpable. Dans les fait divers, les gros titres s’empressaient de condamner noir sur blanc les supporters algériens à chaque évènement. Tandis que les dérives des supporters durant les célébrations donnaient du grain à moudre à ceux pour qui la représentation de l’Algérien «incivilisé», en «rejet de la France», n’était plus à prouver. Par ailleurs, les discours médiatiques et politiques français instrumentalisaient les clivages intra-communautaires de la diaspora africaine, allant jusqu’à véhiculer de fausses informations sur la mort tragique et violente de Mamadou Barry pour servir leur agenda politique. C’est à se demander, si le foot n’est pas plutôt le terrain d’un enjeu politique et social autant pour creuser les fossés que pour redorer l’image d’une nation unie.
Alors pour la CAN 2022, plutôt que de gagner, je nous souhaite d’avoir su tirer les leçons du passé. Je ne souhaite de renouer avec notre africanité, pas seulement le temps d’une CAN mais dans la pérennité, de tisser les liens d’une harmonie future avec le reste du continent, et de pouvoir célébrer ensemble les victoires de chacun. Quant à vous chers lecteurs, je vous souhaite une meilleure CAN.
Racha Baraka, journaliste pour Arabia Vox
Mini playlist ♫
🎼 Maghrébins, Mister You ft. Balti
🎼 Maghrébin, Hornet La Frappe
🎼Arafricain, Sofiane ft. Gims
🎼AFRICAIN, STORMY
Pour aller plus loin 🔍
Pour revivre le festival Panafricain de juillet 1969 à Alger.
Nous vous conseillons le documentaire Festival Panafricain d’Alger de William Klein pour tout connaître sur cet événement qui a marqué l’histoire du continent.
Le compte Instagram Africcan met en avant les différentes ethnies africaines par un prisme historique et sociologique. Ici, on y parle de rituels de beauté ancestraux, de minorités invisibilisées et on déconstruit les identités sur tout le continent africain.
Avec son compte The Mazeej project, Sophia Griss-Bembe vous propose de découvrir le «Blackarabism», «l’afro-arab» et «la black amazigh expérience». Une mise en lumière essentielle sur les vécus des noirs d’Afrique du Nord mais également du Moyen-Orient.
Lancé cette année, le podcast, Y'a ça chez nous, de la journaliste Nawal Benali veut «déconstruire la négrophobie présente en Afrique du Nord et dans la diaspora».
Sur sa chaîne youtube Esprit Arabe, Sabrina Bennoui se pose la question, «qui sont les vrais arabes ?». L’occasion de montrer les divergences et les complexités des identités maghrébines au sein du monde arabe.
Pour les plus curieux de la culture amazigh, le compte Les filles de Dihya comblera vos attentes. Tenues par Linda Louchi et Sarah (@themagicianstribes), elles mettent en lumière les éléments et symboles clés de nos cultures africaines.
Toujours dans la culture amazigh, le compte Amazigh Nation rassemble des archives inédites pour donner à voir les divers visages authentiques de la région Tamazgha (le Nord-Ouest de l’Afrique).
S’il y a un compte qui célèbre la culture maghrébine, c’est bien Nordafrica. Du Maroc à l’Égypte, la page célèbre la diversité et le talent de la nouvelle scène musicale de l’Afrique du Nord.
🗞 Akhbar, les informations à ne pas manquer
Libération du prisonnier palestinien Hisham Abu Hawash.
Incarcéré depuis octobre 2020 dans une prison israélienne, Hisham Abu Hawash avait entamé une grève de la faim depuis plus de 4 mois. Suite à l'émotion internationale, Tel Aviv annonce sa libération. Il était emprisonné sous le régime de la détention administrative et les faits qui lui sont reprochés sont secrets.Hend Sabry à l’affiche d’une nouvelle série sur Netflix.
Mercredi 5 janvier, Netflix a dévoilé la bande-d’annonce de sa prochaine série«Al Bahth An Ola». Elle met en scène la vie d’Ola, pharmacienne tentant de se retrouver après un divorce. Il s’agit de la troisième création originale égyptienne pour la plateforme après «Paranormal» et «Abla Fahita: Drama Queen».
Emma Watson exprime sa solidarité aux Palestiniens.
L'interprète d’Hermione dans Harry Potter a partagé sur son compte Instagram un post dans lequel elle exprime son soutien aux Palestiniens. Ce qui lui a valu l’admiration de nombreux internautes mais également les foudres de l’ancien ambassadeur d'Israël, Gilad Erdan qui a tweeté, «10 points pour Gryffondor pour antisémitisme».
Mort de l’actrice Maha Abou.
Après une longue bataille contre le cancer, l’actrice égyptienne Maha Abou est décédée le jeudi 6 janvier, à l’âge de 65 ans. L’actrice avait commencé sa carrière au sein d’une troupe formée avec son frère et ses sœurs appelé, «El Four M», de la fin des années 1970 aux années 1990. Le groupe avait eu un très beau succès et a tourné dans de nombreux pays arabes comme la Jordanie, la Syrie ou encore la Tunisie.
Arrestation de l’homme politique Noureddine Bhiri en Tunisie.
Vice-président du parti islamiste Ennahda, Noureddine Bhiri a été arrêté le 31 décembre au matin devant chez lui. Il est soupçonné selon le ministre de l’intérieur tunisien, de « terrorisme ». Il a également assuré que le détenu est hospitalisé car il refuse toute alimentation. Sa femme parle de «kiddnaping».
👀 Previously sur Arabia Vox…
Nous vous avons annoncé la mise en place de notre troisième Kahwa Book Club. On se retrouve le 15 janvier 2022 de 16h30 à 19h, toujours chez @ardi.concept.store. Cette fois-ci, le KBC se transforme en masterclass. On aura le plaisir d’accueillir Nadia Hathroubi-Safsaf (@nadia_hathroubi), autrice et rédactrice en cheffe du @lecourrierdelatlas. Avec elle, on parlera de mémoire et de transmission, grâce à ces deux livres, «Frères de l’ombre» et «Ce sont nos frères et leurs enfants sont nos enfants» (ed. Zellige). Il est encore possible de s’inscrire. Il suffit de cliquer ici.
Du côté des Haja le Top, on vous a présenté la nouvelle sensation londonienne: Miraa May. Véritable syncrétisme à elle seule, elle débarque tout droit des quartiers nords londoniens pour vous enivrer avec sa pop underground mêlant des influences RnB fortement assumées ! Le tout est saupoudré d’une féminité à la sauce algérienne. O.N A.D.O.R.E !! 🎶
Pour célébrer la nouvelle année, notre Sabrine nationale nous a concocté une playlist 100% mariages marocains 🇲🇦. On valide l’énergie!
2021 s’en est allé, et on ne pouvait pas s’empêcher de rendre hommage aux personnalités qui ont marqué cette année. Voici notre liste. 📝
La CAN s’ouvre ce dimanche 9 janvier. Arabia Vox suivra de près cet événement, et ce grâce à notre contributrice Nour. Avant de s’élancer dans la compétition, pourquoi ne pas éplucher les différentes listes des équipes du monde arabe présentes?
🎬 Quelles sont les représentations des personnages musulmans dans les films de langue anglaise ? C’est à cette question que répond une étude financée par l’acteur Riz Ahmed. On récapitule pour vous les points importants de cette étude. Donia ISMAIL avait déjà parlé de ce sujet dans notre format l’Écran, aujourd’hui on vous en parle a travers les chiffres et ça fait froid dans le dos.
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